Trois esquisses de déchargement de mes peurs comme pour les conjurer.
Rien qui ne fasse un article qui se tient, malgré plusieurs tentatives d'écriture au cours des derniers jours (ou semaines ? vue la date de la dernière parution sur ce pauvre blog en jachère...). Mais néanmoins le besoin de poser là ces bribes d’articles sur mes peurs pour peut-être les y laisser, m’alléger et –qui sait ?- éloigner le mauvais œil.
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Parfois je me demande si j'ai bien fait de faire un enfant.
Pourtant je me suis battu, j'ai pleuré, espéré, désespéré...
Et aujourd'hui je suis la maman d'une merveille de petit garçon. Beau à en crever, espiègle, rieur, câlin, drôle... Mais je me demande quand même si j'ai bien fait. La question n'est pas saurai-je l'élever, l'aimer? Ça je sais que oui. Je me le prouve tous les jours. Et il me le rend tellement.
La question est : Vais-je supporter ?
Vais-je supporter qu'il grandisse?
Vais-je supporter qu'adolescent, il me rejette parce que c'est bien connu, les parents c'est chiant et ça comprend rien ?
Vais-je supporter qu'il ne soit plus aussi rieur ou qu'il réserve ses rires pour d'autres ?
Vais-je supporter qu'il ne me fasse plus de câlins en me serrant fort dans ses petits bras et en nichant son nez dans le creux de mon cou ?
Et d'ailleurs vais-je supporter que ces petits bras dodus deviennent de grands bras poilus ?
Et ces joues si rondes et si lisses, que je ne peux m'empêcher de dévorer, vais-je supporter qu'elles se couvrent de barbe?
Vais-je supporter de ne plus avoir le droit de les bisouiller autant que je le fais ?
J'aime mon bébé. Je l'aime fort. Très très fort. Je l'aime lui, pour qui il est. Mais j'aime aussi passionnément qu'il soit un bébé. Et je sais que je l'aimerai toujours aussi fort, même quand il ne sera plus un bébé. Mais je sais surtout qu'un jour très prochain il ne sera plus ce bébé. Et c'est ce jour-là qui me fait douter. Rien que d'y penser j'ai mal au coeur, des crampes d'estomac et les larmes qui affleurent. Alors comment je ferai quand on y sera pour de bon?
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Ces « Vais-je supporter ? » s’alignent sans compter mes questionnements sur le monde dans lequel on vit.
Avais-je le droit d'imposer la vie à cet enfant qui n'a rien demandé.
Enfant puis adulte, il devra affronter l’indifférence, la concurrence, la vacuité de certains combats... Sans compter la maladie qui nous touche tous un jour ou l'autre... Combien de maladies graves, de morts précoces tous les jours? ... Je vis dans la terreur en implorant "Pas lui, mon dieu, pas lui. Pas nous."
Comment le préserver, le protéger de tout ça. L'armer d’amour, de compréhension, de tolérance tout en le préparant à s'endurcir suffisamment pour ne pas se faire bouffer tout cru par la matrice. Et de nouveau revient cette question "mais alors ai-je bien fait de faire cet enfant ?" Lui qui n'a rien demandé va devoir affronter la compétition, lutter pour se faire sa place de gentil dans un monde qui ne l’est pas toujours…
Je me torture. Je me questionne. Mais je l’accompagne et je l’aime. Ainsi, je le sais, il sera fort et bon.
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En fait, depuis que Luke est né, j'ai peur.
Peur de le perdre.
Peur de perdre ce bonheur.
Peur qu'il meurt.
Peur que je meure et le laisse pour découvrir et affronter ce monde. (alors qu'avant ma propre mort m'importait peu)
Peur qu'il souffre de maladie, plus tard d'amour, de travail.
Je le regarde et j'espère. Je fais des incantations païennes (les seules que je connaisse). J'espère qu'il sera heureux, qu'il sera un homme bien, aimant et aimé, bien dans sa peau, bien dans sa vie. La réussite professionnelle m'importe peu du moment qu'il est heureux. Et j'espère qu'il saura trouver le bonheur simplement.
Quand j'entends des histoires horribles comme ce garçon mort après une stupide et banale bagarre dans la cours du collège, ces jeunes qui décèdent asphyxiés avec le truc du foulard, ces enfants à la merci des « méchants » (racket, humiliation et même pire auquel je n'ose pas penser) j'ai peur.
Quand j'avais lu L'attrape cœur de Boris Vian il y a longtemps, je n'avais pas tellement accroché. J'avais ressenti un profond malaise à la lecture de ce livre. C'est tout ce que je ne veux pas faire : couper les ailes de mon fils, l'asphyxier de ma peur, le paralyser avec mes vœux de bonheur. Je l'accompagnerai de mon mieux sur le chemin qui sera le sien en essayant quand ce sera possible de lui éviter les pièges et les trous noirs et en l'aidant de ma présence et de mon amour à en sortir si par malheur il y tombe.
Je le regarde. Lui si souriant, qui ne pleure (presque) jamais, qui a déjà un appétit de la vie, de la découverte, des bonnes choses (ah la compote de poire de maman…), qui aime tellement rire...
Il est si beau, si plein de vie. Il a l’air si heureux. Je le savoure, le hume, le croque, le bisouille…
Et je ne peux m’empêcher d’avoir peur, d’imaginer parfois des scénarios catastrophe en me disant « Arrête Nell t’es débile, regarde comme il est beau, comme tout va bien, comme vous êtes heureux. Arrête tu vas te porter l’œil… »
Alors j’arrête et je savoure.
Jusqu’à la prochaine mauvaise pensée…
Je savais qu'être mère serait magnifique.
Je supposais aussi que ce serait difficile.
Mais je n'imaginais pas à quel point ce serait terrifiant.
Et ça l’est.
Terrifiant.